Frère Jean-Pierre Mérimée
Maison du 60, Couvent Saint Thomas d'Aquin à Lille
Les proches de Jésus, à commencer par Pierre, Jacques et Jean, avaient déjà pris des habitudes : avec lui, se mettre à l’écart pour prier, pour quitter le monde afin d’y revenir plus forts. Ils savaient. Ils croyaient savoir. Mais Jésus, ce jour-là, ne les invite pas à prier avec lui. Il veut les rendre témoins de ce qu’il est réellement, et qu’ils ont du mal à croire, comme moi, comme nous aujourd’hui parfois : Jésus est réellement un homme, mais il est aussi Dieu !
Alors, les disciples en ont plein la vue : Jésus est transfiguré ! En fait, l’évangile nous parle de ses vêtements, comme si déjà son visage, son regard étaient depuis longtemps marqués du signe de la résurrection. Comme dans ces passages de l’évangile où ce regard « fustige » les pharisiens qui préfèrent la lettre du sabbat plutôt que la guérison d’un malade* ; ou encore lorsque Jésus regarde autour de lui « ceux qui font la volonté de Dieu » pour les appeler « et mon frère et ma sœur et ma mère. »**
La présence de Moïse et d’Élie, la Loi et les Prophètes, souligne l’ampleur de l’événement. Il récapitule et enveloppe toute l’histoire de l’alliance de Dieu avec son peuple. Le lieu ? « La haute montagne » : c’est souvent là que ça se passe, quand c’est le silence, quand c’est beau. Les disciples en perdent la parole, leur vue se brouille, ils sentent confusément le besoin de garder pour eux leur ami qui semble déjà leur échapper… le mettre sous une tente, pour ne plus être bousculés par cet entretien venu d’ailleurs…
Rétablir la situation pour la rendre acceptable ? Non ! Une voix venue du ciel balaie cette tentation. Il ne manquait plus que cela ! Dieu le Père Lui-même qui vient faire les présentations : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » et ce n’est pas tout : « Écoutez-le » ! Les trois disciples ne comprennent peut-être pas, mais ils retiennent.
Et si le monde était transfiguré ? Tous les jours, je m’y essaie avec mes misérables yeux. Ah ! Si je pouvais voir ! Seigneur, fais que je voie. Mes malheurs m’aveuglent. Fais-moi voir les signes que tu m’envoies. Toi, le Vivant de la beauté et de la joie du monde. Seigneur je veux juste un petit rai de ta lumière, mais qu’elle m’éclaire de l’intérieur, que je naisse un peu de toi, en Fils bien-aimé du Père.
*Évangile selon saint Marc, chapitre 2, verset 27
** Évangile selon saint Matthieu, chapitre 12, verset 50
Extrait de Carême dans la ville 2015